Il ne bouge pas, ne bronche pas, impassible. Son regard se veut menaçant, le mien tente vainement de le fuir. Et pourtant je m'accroche désespérément à lui de peur qu'il s'en aille, qu'il m'abandonne là. Toute seule. Tout est de ma faute, je le sais, je n'aurais pas dû. Je ne suis qu'une imbécile. Non, je n'aurais certainement pas dû. Mais je l'aime. Oui, je l'aime plus que toutes autres choses. Il est mon essence vitale. Il est vital à ma survie. Sans lui, je ne suis rien. Sans lui, je suis au bord du gouffre et s'il n'eut plus été là, je m'y serais précipitée. Mais il n'a pas l'air de l'entendre et pourtant je m'écrie à corps et âme. Je daigne souvent l'accuser de tous les maux. De tous ces mots. Il ne réagit pas, alors je frappe de mes faibles poings. Il ne bouge pas, alors je continue, je m'évertue à le faire réagir, il n'a pas le droit de se taire. Je n'arrête pas, des larmes perlent sur mon visage. Je l'aime tellement, je peux lui pardonner les pires erreurs de toute une vie. « je t'en prie, dis quelque chose merde. j'en peux plus de ton silence ! » Il tourne la tête vers moi et j'ai tout le loisir d'observer son visage. Ses traits sont empreints d'inquiétude, un rictus mauvais releve à la perfection ses lèvres charnues et sanguines, tandis qu'une malboro se consume petit à petit entre ses dents blanches. Un silence se fait, le temps passe et ses yeux me captivent. Je les scrutes sans sourciller, m'y noyant. L'alcool et l'adrénaline accentuent mon côté contemplatif et je le regarde sans me lasser. Il est d'une beauté dure, rude, fine, angulaire. Chaque trait de son visage me rapelle le David de Michelange. Il est d'une beauté tout sauf tendre, simple à apprécier, dure à concevoir dans toute sa grandeur. Et pourtant je la perçois, je la perçois comme j'ai perçu celle d'Hannes il y a quelques années déjà. Mais la sienne n'a rien à voir. Elle est infiniment plus sombre et brisée, elle me donne envie de mourir tellement sa carrure incandescente hurle sa peine à mon égard. Yliés. Le seul qui de nous trois vaille la peine. Ni Hannes, ni moi pouvons nous vanter ne serait ce que d'avoir son charme. Il est celui qui cimente notre trio infernal, celui dont la seule présence apaise nos plus douloureuses souffrances. Et également celui qu'il faut craindre, car ce n'est qu'un 'voyou', un voleur qui brise les coeurs comme il brise les âmes, un parfait salopard auquel on ne peut prétendre aucune conivence.